2020
May 
21

Ritournelle des gosses de rien

Filed under: Journal Débordé,Slamable — fabuleta @ 18:34  

Nous sommes les crapouilleux
Les sales mioches
Les gosses de rien
Nous avançons sur la route en traînant nos guenilles
Armée de va nu pieds aux pantalons rapiécés
Nous marchons sur la terre dévastée au rythme des chansons
Voici notre refrain, voilà notre couplet

Notre faim du monde est immense
Nous n’avons peur de rien
Ni des bruits de la nuit, ni des matins assassins
Nous tenons droits sur nos deux quilles
Et s’il en manque à certains
Nos mains tenues sont la garantie des lendemains attendus
Humanité haute comme trois pommes
Nous sommes la peau et le pépin, le jus et l’arbre avalé
Nous dévorons les trognons glanés sur le chemin

Nous avons traversé les champs de mines et les rizières salées
Les villes sales et leur cortège d’adultes impunités
Nous ne sommes pas seuls, nous sommes des millions
Nous marchons droit nous avançons pour de bon
Nous savons bien qu’il reste au moins la voix, au moins le temps, au moins le souffle
Un peu de vie dans nos poumons

Petite bande à peine née sitôt défaite déjà fêtée
Nous célébrons l’aurore qui nous a laissée voir
Le jour prochain
Nous sommes les alouettes que l’on n’a pas plumées
La tête haute, le torse bombé
Nous continuons de parcourir et de tresser la terre
Ayant recours aux ruisseaux et aux palpitations du soleil dans les feuilles accrochées
Aux sons des sabots sur l’asphalte trouée
À l’observation du transport des fourmis
Aux tressautements infimes des cailloux dans la plaine

Nous étions 5 nous voilà 100
Troupe bohème d’enfants abandonnés
Les histoires sont de bons parents
Et l’expérience bonne compagne
Jamais conquise, toujours aguerrie
Notre famille parle mille langues
Nos albums d’images sont infinis
Elles sont la forge et le métal, la main, le feu, l’enclume et le marteau
Nous construisons nos rêves à base d’infortune
Et défions tout malheur de s’installer en nous
Nous n’avons pas de gardiens car nous sommes déjà grands
Nulle protection ne nous fût accordée, nulle tendresse promise
Nous vous offrons notre royaume comme unique pardon

Vos livres saints sont trop usés. nous refuserons tout dieu qui voudra nous soumettre
Il n’a pas été nommé celui qui sait se mettre à hauteur des bêtes
Nous tiendrons tête à vos anges, à vos démons et à vos vieilles prières
Nous renouvelons sans cesse notre vocabulaire
Sans perdre pied nous inventons notre ère
Nous respirons le vent nouveau bien mieux que vos paroles viciées
Vos paradis nous ont lassés, nous sommes venus nous fondre dans l’unique asile de ce monde
Dans ce refuge immense et jamais égalé, dans la fange noire, et le cristal des eaux
Une baignade sur la planète vaut bien votre baptême, et vos extrêmes onctions

Ainsi ne vous méprenez pas si vous croisez notre route
Nous sommes filles et fils de comètes
Nous tenons la main du grand horloger
Il secoue ses étoiles comme au fond d’un sablier géant
Nous sommes de la brillante poussière
Nous enrayons les plus violentes tempêtes grâce aux racines qui nous poussent dedans
Nous sommes chez nous partout là où nous posons les pieds

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