2022
Aug 
30

traverser les espaces crépuscules

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  • La peau aimante
  • — lapeauaimante @ 18:06  

    Je marche vers le crépuscule pour attraper les lueurs roses et jaunes
    Du jour qui meurt sans que je l’aie touché
    Je marche et pense que si j’étais encore enfant, je courrais
    Je réalise que si j’ai la chance de vieillir je ne pourrais plus courir
    Alors
    Je cours

    Je cours avec mes bottes boueuses
    Et traverse l’espace qui me sépare des profondeurs
    Les oiseaux qui s’abreuvaient à la mare croupie s’envolent sur mon passage
    Je cours à travers les ronces et les genêts sans fleurs
    Je cours et je souris
    Haletante
    Cherchant par ma course à reconquérir les refuges de l’enfance

    Je m’enfonce dans la forêt pour trouver le rouge du ciel qui s’éteint
    Je n’atteins pas la plaine
    Il fera noir au retour si je vais plus loin
    Il me faudrait un arbre
    Une branche amie qui me porte à sa cime
    La nuit mange vite les couleurs alors
    À la place
    Je me penche sur un rocher moussu
    Gorgé de pluie qui inonde les tissus recouvrant la pudeur

    Il ne fait même pas froid en cette fin décembre
    Il ne fait même pas peur, même pas faim, pas même mal ailleurs qu’à l’esprit

    Les nuages brûlent et flamboient comme le bout de ma cigarette
    J’écoute le vent dissiper la fumée des idées ressassées qui m’embrument

    Je repars par le même chemin
    Les mêmes ronces et les mêmes genêts
    À peine écrasés par ma précédente marche
    Je ramasse quelques branches que je traîne dans le pré
    Elles serviront à nourrir le feu affaibli par la somme de brindilles des faits
    Qui m’empêchent de lire la magie atteignable du monde

    Je retire mes habits de chantier et m’attelle au désordre des mots
    J’assouplis la distance qui sépare le vrai du faux
    Je redonne au langage une nouvelle chance

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