à l’intérieur
En moi se déploie la petite magie des images
Elle offre son innocente incandescence
À qui veut bien la suivre sans prétendre connaître la suite
Parce que la vie peut rendre aveugle
À force de mettre de la poudre aux mirettes
Et si pour y voir clair, il suffisait de fermer les yeux?
Mon corps est une terre où cohabitent le très grand et l’infiniment petit
Un temple sans bougies, une machine bien rodée.
Ça fait des millions d’années que le même schéma est sans cesse dessiné
À chaque naissance un nouveau modèle
Mais pas un truc à la chaîne du genre Ford et compagnie
Non, plutôt modèle unique comme chez ADN
Mon sang est océan, mes organes ressources
Ma mémoire une passoire et chaque fragment regagnera la source
Comme les grains de sable qui un à un reviennent, de la mer au rivage
Je gagnerai le ciel, insondable patrie d’où surgit le néant
Du bain maternel où j’ai vu naître le soleil
À la nuit infinie qui avance chaque heure, je marcherai
Je marquerai le pas des battements intérieurs, les assauts et sursauts
Les lentes traversées les grands bonds en avant
Tout cet ensemble de traces qui marquent mon sol
Dessine mes racines et change mon désert en planisphère identitaire
À l’école on apprend à se taire
Une fois devenus grands ça fera moins de pensées contestataires contre les dirigeants
Une solution : slamons!
Pour noël et les anniversaires, au lieu d’acheter des jouets
J’irai voir un marchand d’imagination
Ça coûte moins cher et ça dure plus longtemps
Devant mes yeux clos, le pamplemousse que je mange deviendra un soleil d’été
Et mon salon le saloon d’une Amérique réconciliée
Y’a un indien sans plumes qui saluera un cow-boy en pagne
Et y’a que les montagnes qui tutoieront encore le ciel
Et hop ! En un clin d’œil j’ai transformé l’épouvantail en bonhomme de neige,
Noyé la paille sous des couches de réel
J’ai dérangé les rangées immobiles pour remettre un peu d’ordre
Débranché les fils de la raison et raccroché le cordon cardiaque
J’ai traversé l’arc-en-ciel de mes pieds à mon front pour faire étinceler l’endocrine
Changé les cris en chant, mis des couleurs sur mes sentiments
J’ai balayé le vieux d’un revers de reviens
Qu’il vienne quand on l’a convié, pas avant
Les chimères de naguère n’ont pas de place dans mon maintenant
Au-dedans bouge ce que je pensais assis
Quand Gaza gronde à l’intérieur
Que Tiananmen tank dans ma tête
J’invoque Shakespeare ou Molière
Mozart ou Shakira
Il faut qu’je danse, il faut qu’je trêve,
Que je voyage dans la machine à remonter les rêves,
Troquer le chaos contre un verre d’eau, virer le vieux, mettre du nouveau
Défaire les nœuds sans perdre le fil
Faire descendre les résidus de vieilles idées, les passer au scanner
Passer le filtre du langage entre les yeux et les images
Décrypter les symboles, en faire une jolie parabole dont je suis l’héroïne
Tant que la poésie opère sa petite magie
Je veux bien être myope
À l’intérieur, mon regard s’accommode des miracles
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