2022
Aug 
30

Les plaines d’Amaranthe

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  • Tempus Fugit
  • — lapeauaimante @ 18:03  

    J’ai marché tout le jour
    Ailleurs que dans l’endroit où se trouvait mon corps
    Maintenant vient le soir
    Et je n’ai pas bougé d’ici
    Je témoigne d’un dédoublement
    D’une ombre plus vaste
    D’un voile plus grand
    J’ai marché tout le jour sans me voir vraiment
    Me suis coupée du corps pour avancer
    Sur une autre terre que la mienne
    Pour produire

    Il m’a fallut me soustraire à chaque pensée
    Et chaque sensation
    Pour accomplir un dixième de ma pauvre et vénérable mission
    Je ne suis ni fière ni désolée
    J’ai fait ce que j’ai pu
    Un mouvement plus imperceptible que l’air
    Une tranchée plus drue que la roche volcanique
    Je ne suis pas autre chose que cette voie sur laquelle
    Je tente de cheminer chaque jour

    Le réveil ne sonne plus
    J’ai arrêté tous ses rappels
    C’est en moi-même que je dois me tenir debout
    Prête à affronter le jour qui vient
    C’est à moi-même que je dois me référer pour connaître la liste des tâches à accomplir
    Les notes et les carnets ne disent que l’obscurcissement dans lequel me projette la modernité
    Et je cède pourtant à sa loi
    Je fonds dans les miasmes de cette ère
    Pantelante et vaincue
    Tant bien que mal je tente de me ressouvenir
    De ce qu’il m’a été donné de promettre à l’aube du nouveau jour
    Et que j’abandonne pourtant si tôt que je vois clair
    Si j’échoue, je ne pourrai condamner que ce voile
    Qu’indistinctement je repose sur mes yeux en éveil
    Pour mieux me retirer

    Je cherche
    Et des ruines me répondent
    C’est déjà une voix
    Celle des pierres
    Elle sait
    Quelque chose que je n’ose pas encore admettre

    La joie est moelle que j’arrache à la mort

    Donner un os à la chienne qui jappe
    Pour endolorir mon squelette
    Et le retrouver un peu moins froid demain
    Répéter ce geste
    Ne serait-ce qu’une fois au matin
    Ne serait-ce que pour me faire croire
    Que le voile reste bien attaché à mon index
    Et qu’il me suffit de le tendre, de le tordre, de l’agiter -la direction n’importe pas-
    Pour reprendre la main sur mon corps
    Que rabattre les draps sur ma tête
    Peut aussi être synonyme de fête si je ne m’endors pas à poings fermés
    Si je garde un œil sur la membrane cellulaire qui m’enveloppe
    Si je me rends disponible pour elle
    Et que nous trouvons ensemble le chemin qui
    Pas à pas
    Pied après pied
    Pensée passable après pensée dépassée
    Nous permet de déplier
    La carte au trésor pas encore trouvée
    La malle aux merveilles qui s’est repoussiérée

    Les poumons noirs et gras
    Le cœur en sauterelle
    Le vaisseau sans lanterne
    Ma capitaine s’aveugle
    Elle pêche au crabe dans les grandes eaux limpides
    Elle espère que le mal lui donnera raison d’avoir tant attendu
    Retourner au bercail et avoir tout perdu
    Revenir des enfers et croire qu’on a tout vu
    Les petites misères et les puissantes crues
    Jeter l’eau à la mer
    Boire une tasse d’amarante
    Résister aux saisons
    Et à l’irrespirable
    Repue de répit
    Reprendre le flambeau
    Surprendre la vie au saut du lit

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