2022
Sep 
29

Imprenables

Filed under: Journal Débordé — fabuleta @ 18:41  

Imprenables

Les montagnes

Imprenable

Le ciel

Imprenables les étoiles

Imprenable l’air

Imprenable la pluie

 

mettre en fiole l’instant

comme une capsule magique en cas de grand vent

arrête toi

 

 

arrête toi et goûte

le silence de la plaine

le brouhaha de la ville

il y a de la musique là

 

arrête toi et écoute

l’interaction des éléments dans l’organisme

la chimie de l’impalpable sur ta peau

il y a un dessin ici

 

arrête toi et observe

le plissement des roches

la forêt satinée de lumière

l’effluve

toute entière dans ta fiole

 

accroche-la à ta ceinture et pars marcher sur les routes caillouteuses

n’attrape que les branches qui ne te résistent pas

ta marche est lente mais sûre

tu traverseras les déserts

tu cours au-devant de ta quête

ne t’arrête pas

 

ne t’arrête pas pour regarder ton ombre

elle danse seule auprès des flammes

elle est là, n’espère rien, ne t’attend pas

l’écran est triple si tu regardes ton ombre

l’environnement flou, n’existent que les obsessions

et l’autre espace, inaccessible

donne plus de place à l’inaccessible, il n’est pas si loin

c’est juste de l’autre côté du miroir

c’est une réalité aussi tangible que la nôtre si tu y plonges

 

que veux-tu raconter?

des histoires de fourmillements et de catapultes rythmiques

 

Imprenables

2022
Sep 
19

La jolie savane

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 22:47  

Y’a des loups y’a des tigres y’a des léopards

qui se pavanent dans ma jolie savane

 

À l’école maternelle j’étais comme une nounouille sur mon banc.

C’est ce que je disais à ma mère quand elle me demandait ce que j’avais fait de ma journée: “Je suis restée comme une nounouille sur mon banc”

Dans les escaliers de cette école, il y avait un animal empaillé. Je crois que c’était un sanglier. Ou alors un rhinoféroce.

 

Y’a des tigres y’a des lions y’a des léopards

il y a de tout dans ma jolie savane

 

Alors on m’a changé d’école. Je me suis remise à bouger. Je me suis remise à jouer.

Il y avait une cage sur laquelle on pouvait grimper. J’avais une jupe et un garçon de ma classe s’était mis dessous pour la regarder et il riait il riait.

Ce devait être une hyène. Ou alors un macaque.

 

Y’a des loups, y’a des tigres y’a des salopards

qui fouillent partout dans ma jolie savane

 

Dans la nouvelle école maternelle, la sieste était obligatoire. On n’avait pas le droit de bouger. Et moi je ne pouvais pas dormir avec autant de gens à côté. Je secouais mes pieds, je jouais avec mes mains, et la dame sans cesse revenait et me remettait les mains et les pieds dans le lit.

On aurait dit un phacochère. Ou bien un hippopotame.

 

Y’a des tigres y’a des lions et y’a des vieilles dames

c’est le bazar dans ma jolie savane

 

Je me souviens de Mme Laine et de Mme Denis. Elles doivent être mortes ou à l’EHPAD aujourd’hui (ce qui est un peu la même chose si vous voulez mon avis)

Mme Laine avait les cheveux blonds mi-longs. Mme Denis les cheveux courts châtains, elle portait des lunettes. Dans sa classe il y avait de gros feutres qui sentaient bon. Le midi à la cantine il y avait une brique de lait pour chaque enfant.

Je pense aux monticules de briques de lait vides et de feutres sans encre qui s’entassent quelque part loin de nous depuis les années 90.

 

Y’a des vers y’a des rats y’a des chiens errants

qui se partagent les restes des enfants

Carbone Héros

Filed under: Journal Débordé — fabuleta @ 12:15  

tocsins galop

grimés

remonter la pente

caravane de trognes

yeux allumés

la face ouest du mont aiguille veille

il va faire froid ce soir

garder le cœur chaud

bois bois bois

l’ardent liquide jaunâtre

transformations en fusion

changements d’état

déshydrater la matière

redistribuer la soif à l’air

eau vaporeuse évaporée par

le vent du vercors veille

allume le feu

il va faire froid ce soir

ferme la porte

le cœur est chaud

il bat bat bat

boum boum boum

les flammes burinent les organes

le feu tambourine le métal

alliage régénérant

pyrolyse purificatrice

lente opération d’une apogée du noir

ai pas peur du noir

le noir protège

le noir mange tout

carbone partout

huit mille ans de secrets perdus au bord de la cabane

les charbonniers veillent

il fait froid ce soir

nous ferons un festin

bois bois bois

l’ardent liquide jaunâtre

le corps est chaud

mets les gaz, virevolte

exaltantes volutes

dans tes bras

des moulins tes bras

des lianes tes jambes

veines chevreuil

charogne veille

la nuit n’est pas finie

il ne fait pas froid quand tu dépenses de l’énergie

utilise des plus petits muscles horripilateurs à tes quadriceps

bout bout bout

le sang et les sèves ardentes

la plèbe est debout

de part et d’autre du tronc

on cherche le bâton pour se faire battre

l’unique argument qui rassemble les nous / eux

c’est d’écouter la forêt

se faire liber sédiment trogne noueuse

aller au devant du danger de rejet

des rejets poussent de nouveaux arbres

la forêt veille

la forêt réveillée

vibrations brillantes

sur la toile

bruits de tracteur et de cris

dans la nuit

la rosée refroidit l’enveloppe

boue boue boue

cendre luisante

os dents noirs diamant

couronne de buis à jamais sauvé de la pyrale

cheveu spaghetti pomme de pin coquillage

tout figé mais tout fragile

papier carbone imprime ou supprime les détails en un battement de paupière papillon

délicatesse au bout des doigts

la nuit nous veille

nul tumulte autre que le froissement des duvets

il fera doux demain

charbonner charbonner charbonner

tant que dure le temps

les faces calcinées

redescendent de la transe

les yeux brûlent d’un éclat particulier

carbone héros