éboulis
quand ça va trop vite
qu’il y a trop de données
quand le véhicule terrestre que j’habite est plein à ras bord
quand la tête envoie à mes lèvres mille signaux depuis mon ventre
il n’y a pas de tri
ça capote
un écran blanc s’interpose entre la somme d’informations que mon corps traite
et ce qu’il conviendrait de dire ou de faire
ça ne passe pas
quelque chose bloque, se met en travers
parfois il n’y a rien qui sort
ou alors par bribes
ça bute
ça ne veut pas
les cailloux dégringolent
éboulement sur la voix
il y a une digue
quelque chose bégaye
quelque chose cherche à soulever l’éboulis
une bête que le bruit effraie
c’est un déferlement et je dois l’endiguer
pour éviter que tout ne sorte abruptement
je dois y remettre le ton, je dois y déposer du temps
je n’ai pas d’autre choix que d’écrire un poème
ça cogne aux oreilles de l’autre et je ne sais pas ce qu’il en restera
il faudrait attendre que ça vienne du bon endroit
les parois ont été reformées avec des pierres et du plâtre de piètre qualité
ça ne tient pas
mais ça fait bien
c’est propre
c’est blanc
c’est lisse
c’est sec
de loin on s’y croirait
un lieu idéal
un artifice
quelque chose brûle
laisse s’écrouler l’édifice
essuyer les plâtres
passer la main sur les parois
les anciennes couches s’effritent
tout ce qui ne tient pas tombe
reste à mes pieds un tas de gravas éboulés
le revêtement d’avant tombe en croûte
les couches de papier peint se décollent à peine
c’est gluant
je malaxe la pâte qui redevient chair au sous sol
c’est vivant
la maison a été reconstruite
transformée en cabane
un abri sous mes mains
je reprends mon chemin
qu’y a t’il de l’autre côté?
d’autres montagnes
un nouvel horizon
tu n’es pas arrivée
il faudra redescendre et trouver une nouvelle voie d’accès
je me tiens sur la crête
il y a un basculement possible
et j’ignore ce qu’il y a de l’autre côté
je pourrais mourir d’incandescence aussi bien que d’ennui
dévaster la forêt de la fougue qui m’habite
ou vivre à peine l’équivalent d’un transport de fourmi sur l’échine des géantes
c’est peut-être plus simple que ce que tu espères
le plein soleil, l’éblouissement, ça ne dure que quelques minutes
c’est une autre lumière qui succède aux pleins feux du zénith
c’est peut-être moins raide que ce que tu redoutes
une fois arrivée au sommet
clamer la joie d’être là
jouir