2021
Jan 
25

Espèce de *!#/*=

Filed under: Journal Débordé — Tags: , , — fabuleta @ 20:06  

Sur le mur de la maison de la culture, des affiches de colleuses décollées
La deuxième ligne seulement. Sur la première on peut lire:
Un tram toutes les 10 minutes
Je peux imaginer ce qui a été arraché:
Un féminicide tous les 3 jours

En face, sur des arbustes qui viennent d’être plantés,
Il y a une affichette qui donne leur nom et un petit espoir
Un arbre = un peu d’air

Et je m’étonne de notre capacité à oublier
À mettre en avant ce qui nous semble rassurant
À sciemment effacer de notre mémoire ce qui empêche d’être encore plus vivant

La mort des femmes et l’industrie outrancière
La violence et l’entêtement à vouloir croître encore
Malgré les preuves de l’irascibilité de notre race humaine

Je m’étonne que l’on doive encore nommer haut et fort les meurtres et les inégalités
Pour tenter de convaincre
Et que dans le même temps, on fasse encore semblant de préserver la planète et de prendre soin
De la qualité de ce que nous respirons

Si je n’avais pas côtoyé l’heure d’après des petit.es d’Hommes qui prennent plaisir à jouer
Je pourrais perdre espoir et proférer des insanités contre mon espèce
Mon espèce qui s’évertue tant à rendre irrespirable tout ce qu’elle touche
Mon espèce qui tue dans son propre clan, chez elle, jusqu’à ses proches et ses amants
Mon espèce qui m’inspire autant de peur et de dégoût qu’elle me donne foi et courage devant l’adversité
Mon espèce de sale petite garce gâtée par je ne sais quelle alliance biolochimicosmique
Mon espèce de chimpanzé savante qui se croit si au-dessus de toutes les lois qu’elle en oublie qu’elle fait partie de ce qu’elle détruit, qu’elle ne maîtrise pas, qu’elle ignore, qu’elle est si minuscule que le big bang et le soleil ne savent pas qu’ils l’ont générée et s’en foutent royalement
Mon espèce potentiellement dangereuse, immensément magique
Mon espèce capable de greffer des bras, de construire des fusées, des immeubles en verre et des cathédrales en pierre hautes comme trois pyramides
Mon espèce qui parle, danse, baise, dessine, voyage, et qui parfois fait autre chose que produire ou reproduire
Mon espèce qui crée. Pour rien. Pour voir. Pour sentir son passage un peu moins vain.
Mon espèce qui aime et qui désire
Qui traverse
Un espace incertain

Je chevauche
Chaque fois que je mets un pied hors de chez moi
Un espace de vide et de trop plein
Ne fais rien chère chair
C’est là que tu fais un
Quand tu ne cherches plus
Quand tu joins l’inutile à l’agréable

Viens, douce. On va se vautrer dans de l’air

2021
Jan 
24

Comment sauver sa peau

Filed under: Journal Débordé — Tags: , — fabuleta @ 20:05  

Tu danses
Et ça te sauve la peau

Tu te bouges, tu t’élances, tu t’agites, tu t’agrippes à l’autre
Tu t’épanches, tu te ramollis les os, tu t’apprivoises
Tu danses
Et ça te sauve

La peau connaît les secrets qui palpitent plus loin que la surface
La peau sait ce dont elle a besoin
Ce qu’il lui faut de fougue ET de tendresse
Ce que le corps peut absorber de coups ET de caresses

La chute ne la contraint pas au silence
Boum!
Elle note la cadence des échecs avec quelques bleus
Boum!
Ici, là, là, et encore un ici
Boum!
Dans la marge de l’épiderme, près des os, et aussi dans le moelleux

La peau aime les poèmes que les autres corps posent sur elle
Les phrases qui se déposent et se déplient du bout des orteils
Jusqu’au sommet du crâne
Ça façonne les futurs paysages de mon répertoire de magie

À quoi ça sert de rester bien sagement chez moi si je peux même pas absorber des histoires?

Moi, je veux
Je demande
J’exige
Une contamination
Pleine et imminente

Que je ne sache plus d’où me vient cette démarche, ou ce drôle de balancier dans le bassin
Les virevoltes de mes doigts et les drôles de mouvements dans le regard
Je désire
Reconnaître en moi des parties de chacun.e et tant pis si au final je ne sais plus qui je suis
Comme ça, je pourrai être le monde si ça me donne envie

Si j’étais le monde

Maintenant
Je m’approcherai doucement d’un.e quelqu’un.e
Et me blottirai dans tous les espaces possibles
Je m’engouffrerai dans le vide qu’iel m’invite à emplir de tout mon être

Alors nos corps deviendraient des kaleïdoscopes merveilleux
Des entonnoirs à paillettes qui pétillent
On serait un, deux, dix, mille peut-être
On rejouerait à devenir cellule
Et toi arbre et moi feuille
Et si le vent me jette loin de vous, je pourrai toujours me raccrocher à d’autres bras-branches
Et commencer une nouvelle aventure
Je serai reine, et toi serpent
Je serai limace et toi le lapin Duracell
On serait géants, d’accord?
On dirait qu’on serait les plus forts et qu’on n’écrabouillerait personne quand même
Sauf si c’est pour du faux
On pourrait faire comme si on se connaissait depuis longtemps
Alors qu’en fait pas du tout mais c’est pas grave
Tu veux être mon copain?
On pourrait jouer à sauver le monde
Ça compte pour du beurre
Mais faire semblant c’est une pommade pour le coeur
Ça coûte pas beaucoup et c’est tellement bon
Il y a beaucoup de douleurs à tartiner
Alors on ferait bien de s’y remettre bientôt

Ça pourrait même
Nous sauver la peau

2021
Jan 
17

Prière de (ne pas) se (re)poser

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 18:17  

Pas de baiser
Pas de bave sur l’oreiller
Peu de repos
Pas de sommeil

Mille pas dans 30m²
Tourner en rond dans le bocal
Binge watcher des vidéos d’enfants
Enfants qui pleurent enfants différents

Pas d’avancée
Pas de louanges
Ni de coups bas
Me débattre avec les pensées et le corps qui les contient

Pas de sourire
Soupirs
Pas de sortie
Va et vient en nuisette éponge dans le soupirail

Plaintes et paresse
Procrastinent les réjouissances auxquelles je suis appelée
À cent à l’heure la vie va
Même si les yeux sont debout à cinq heures

Combattre
Recueillir
Secouer
Accueillir

Être là et puis un point c’est tout
Si c’est comme ça, voilà, c’est…
Qu’est-ce que tu veux que je te dise?
C’est tout, c’est voilà, c’est comme ça

Assignée à résidence
J’ai signé pour un bail
Il me reste quelques traites à payer
Un jour, je partirai peut-être sans laisser d’adresse

2021
Jan 
12

Tout est sous contrôle de l’imprévu, bonsoir

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 20:53  

Tout est prévu
Rien n’est sous contrôle
Bienvenue

Classe
Coche
Case
Rafraîchis
Répète
Repasse
Appelle
Écris
Redis

Encore une fois
Journée sans fin
Faux départs
Repérer la faille dans le hasard
Les yeux pas en face des trous
Remplir le vide quand tout à coup

Trébuche
Bégaie
Accroche
Impatience jusqu’au bout des doigts
Dans la gorge ça fait comme des traces de verglas
Un truc qui penche
Doucement ça glisse

Reprenons
Trois boulots multipliés par six heures par semaine en présentiel
Fois une douzaine de mômes qui tous demandent une présence totale, pas partielle
Parce-que partielle je sais pas faire mais totale ça n’marche pas non plus
Divisé par le nombre de mes voix qui télescopent le réel
Ça fait…
Un petit peu trop pour moi
Déjà?
Oui déjà, je sais il est tôt mais ça fait quinze ans que je fais ça
Je préfère être bergère et garder un petit troupeau de vers
Tu m’en voudras pas?

Il est cent ans moins le quart et quelques poignées de secondes bonsoir
La trajectoire est encore sous contrôle de l’imprévu
Nous nous dirigeons doucement vers plus tard
Trop tard est annulé et la version panique du résultat n’existe pas
Toute valeur accidentée du modèle conforme à la promesse de base est susceptible d’être reprise sous conditions du rachat total des biens à hauteur du double potentiel misé au départ

C’est ce qui s’appelle faire face au vide.
Sur ce, bonne nuit

2021
Jan 
11

Géométrie Sororale (Un cercle est constitué d’une infinité de points)

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 21:48  


à Claire, Emeline, Mathilde L, Mathilde T., Luiza, Lydiane, Sophie,

Se rendre sensible
Continuer de développer des qualités dites féminines
Se rendre perméable
Même si je n’avais pas besoin d’un groupe de femmes pour sortir le parapluie lacrymal

Se rendre belles même quand vulnérables
Parce que notre puissance puise ailleurs que dans la force
Que le surjeu ne marque aucun point, car ici,
Celle qui gagne c’est celle qui laisse parler la part de soi qui a besoin de soin

Se rendre tendres
Parce que même une fois devenues grandes, il reste des bouts de petites filles enfouis
Accueillir alors celles qui boudent, celles qui râlent et celles qui auraient bien voulu crier
Au lieu de devoir continuer de clamer “Eh oh, j’existe! ”

Se rendre fières
Même si empêtrées dans des drames qui dépassent notre taille et notre temps
Se rendre solidaires
Parce que finalement ce sont les mêmes questions qui nous bousculent
Par-delà les cases dans lesquelles on se pose
Les mêmes doutes et le même courage

Se rendre unies, reliées
Comme les perles qu’on enfile pour se faire un collier
Comme les fils qu’on tisse entre les générations qui nous ont précédées
Et les enfants qui naissent aujourd’hui et à jamais
Passeuses d’histoires
Témoins

Se rendre oreilles, yeux et mains
Devenir à nous huit le corps soutenant dont chacune a besoin
Faire le plein de silence ET
Se nourrir des histoires pour un jour y mettre fin
Sans regret, avec le cœur bien rempli des richesses d’autrui
Et la certitude de faire partie d’un tout

Bien plus qu’un cercle ou une lignée
Nous sommes l’infinité de ces points
Reliées

2021
Jan 
10

N’importe comment ÇA bouge

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 22:27  

Livré à lui-même, le corps bouge
Tout petit petit ou géant gigantesque
Le corps se meut
Sans que l’on sache pourquoi
N’importe comment et c’est très mieux comme ça

Cela ne sert à rien
Rien de tangible , Rien de sophistiqué
Pourtant il n’est pas à l’arrêt

Il y a quelque-chose au-dehors de soi
Comme une fine pellicule
Qui sait
Cette chose au dehors de soi, pas besoin d’aller la chercher
Elle sent
Puis
Elle fait

Pas la peine de chercher à l’extérieur de soi l’impulsion, le tempo juste, la bonne intensité
Pas la peine non plus de tenter de trouver à l’intérieur les réponses qui disent comment poser le pied
Là ou là OU à quel moment partir

C’est cette couche
Imperceptible à l’oeil nu
Qui ose

Elle réceptionne et emmagasine les informations du dedans ET du dehors
Elle n’analyse rien Elle distribue
Entre le dedans ET le dehors
Les chaînes de savoirs immenses et minuscules qui se bousculent au portillon des sens
Elle les fait se rencontrer
Et Ça circule

C’est ça
Quand on danse ÇA circule Rien ne stagne
Même immobiles il reste une trace de mouvement que l’on traque
Mais sans vouloir la capturer, la garder pour soi ou bien la rejeter
On ne chasse pas les sensations même si parfois on peut être à l’affût
-c’est vrai qu’après huit heures passées derrière un écran, il y a des choses qui se sont tues alors évidemment, quand on arrive dans le studio, il faut remettre son costume de vide, tout réapprivoiser et c’est sûr, parfois ça marche moins –
MAIS
Si on laisse le subtil affleurer à la surface
Danser devient comme un gant qu’on enfile pour traverser le temps
Tout glisse et nous bouscule, nous agite, nous fait jaser les muscles, les os, la peau
Parfois ÇA rit, ÇA pleure, ÇA chante, ÇA crie, ÇA grince, ÇA craque, ÇA court, ÇA pluie, ÇA crachotte, ÇA drache, ÇA chuchote sous les pieds, ÇA se merveille l’estomac, ÇA rute et bouts de ficelle dans les pyjamas, ÇA coince, ÇA cachette secrète, ÇA sécrète les molécules du bonheur, ÇA tambourine le coeur
À la fin, il ne fait juste plus gris dedans.

Plein soleil hivernal

Filed under: Journal Débordé — Tags: , — fabuleta @ 13:12  

Plein soleil hivernal

Piquer un phare comme ceux de Bengale

Assortiments de doutes et de certitudes au fond des poches

Pèle mêle tirés au sort, entre hasard et alignement des planètes

 

Faire défiler les heures devant l’écran bleu qui bouge et saute de page en page

Pour calculer:

1) le sens de l’histoire qui semble se mordre à nouveau la queue

2) les économies que je n’ai pas faites et les fêtes dans lesquelles j’ai dispensé autre chose que de l’argent

3) le temps passé à m’observer faire tout à fait autre chose que ce qui me plaît vraiment

La lumière printanière dans l’air froid de l’hiver

 

Une amie m’attend sur les marches blanches

Ressasser le passé à la recherche du détail qui ferait fondre la pierre qui encombre le passage

Sauter dans le prochain tramway nommé désert avec l’innocence des jeunes femmes d’un autre âge?

Ou

Tirer la sonnette des larmes avant de se retrouver à la limite de la frontière qui refusera à nos ovaires de délivrer l’ultime ovule?

Tirer les cartes pour savoir que faire et qui aimer au final

Quand le comment reste encore et toujours

Un mystère

Mais si rien ne passe plus par ici, si rien de plus ne se présente à moi

Pourquoi ne pas totalement profiter des présents qui s’offrent là tout de suite maintenant

Si de toute façon demain c’est déjà trop tard et aujourd’hui est parti

 

Tu comprends?

Tu comprends toi dont les bourses sont pleines jusqu’à presque perpétuité

Que nos œufs sont précieux et se comptent déjà une fois atteinte la trentaine?

Tu comprends que ta maturité me mets une épine dans le pied

Et une peut-être vacuité dans le ventre?

Tu ne penses pas toi, tu aimes

Et tu as raison en un sens

Nous allons là où nous mènent nos songes

Et parfois la tête n’est pas le guide qui nous sauve

 

Alors écoute petite femme que j’aime

Sois libre avant toute chose

Avant de rêver d’avoir la vie que tu voulais

Prend tout ce que tu peux arracher de bonheur à cette chienne

Car un jour prochain, bientôt peut-être, il ne sera plus question d’idéal

Nous chérirons le soleil pour ce qu’il nous offre de clarté

Et la marche blanche sur laquelle nous nous sommes assises sera devenu le théâtre de la lâcheté

Nous chercherons dans chaque jour naissant le signe d’une trêve

Et bienheureuses celles qui auront su aimer