2022
Aug 
30

La récré de fin d’été

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  • Danse
  • — lapeauaimante @ 17:26  

    C’est la récré de fin d’été

    Le grand ménage

    Le cleaning space de l’année

    Le nettoyage des “il faut” et “on doit”

    Danseruna

    Une fois l’an se retrouver là

    Pour être sûrs de débuter la rentrée du bon pied

    Danser les ruines

     

    Lâche les rames, laisse toi couler

    La piste est un chaudron magique qui te permet de nager

    Si tu te sens perdu dans le nocturne océan qui se crée

    Regarde la voile diaphane au-dessus de ta tête

    Flottante, éperdument tendue entre la terre et la toile du ciel

    Elle respire

    Elle respire au même rythme que le diaphragme de la foule

    La foule qui se fait et se défait

    Petite bombe à retardement qui s’immobilise ou se laisse tomber

    D’un coup d’un seul

     

    De cent corps n’en faire qu’un

    Oser se poser nu, debout face à l’inconnu

    Les bras comme seule proue

    L’axe de l’autre comme un mât autour duquel naviguer

    Pas à pas

    Laisser dans les abysses l’ego perclus de doutes

     

    Qui danse quoi?

    Avec quelle étiquette t’arrives et vers quelle matière tu dérives?

    Le pied que tu poses c’est un tango ou une mazurka?

    Le porté que tu proposes c’est du contact ou c’est n’importe-quoi?

    Ça ne ressemble à rien de connu

    C’est une presque bourrée, un quasi cercle, une mazurkiche

    Tambouille savoureuse, soupe cosmique, bouillon brouillon sans chorégraphie prédéfinie

    Et tant pis si parfois ça flotte et que ça n’est pas parfait

    Que les blancs sont trop blancs et les trad un peu crad

    Parfois c’est le bazar et on ne comprend plus rien

     

    On

    Pronom indéfini qui ne dit rien de précis

    On

    Qui se noie dans le monde sans avoir rien dit de lui

    Je joue du nous que je vois en vous

    Mon nous n’est peut-être pas le tien

    Mais même si nous ne nous nouons pas tous.tes au nous de la même manière

    J’aime imaginer que les jeux que nous créons nous aident à tisser des liens

     

    Combien de temps tient-on dans une ronde endiablée?

    Combien de fois faut-il que nos pieds frappent le sol pour alimenter le feu

    D’une brûlure qui ne laisse d’autre cicatrice que le souvenir incandescent d’une nuit de liesse?

    Nous ne brûlons pas

    Nous suons

    Les gouttes de transpiration qui coulent le long des dos nuques cuisses

    C’est de l’eau sacrée

    Remplie du sel de nos danses

    Une prière pour exister

    Pour affirmer une fois encore, une heure de plus

    Nous vivons

    Nous vivons

    Nous sommes traversés

    À chaque seconde

    Par un feu plus profond

    Par une soif plus vive

    Par une joie plus pure

     

    L’innovation dont nous faisons preuve chaque soir

    Est plus inventive et mille fois plus puissante que toutes les technologies qu’on nous somme d’avaler

    Ce que nous ingurgitons à chaque goulée

    C’est de la came 100% organique

    Bouche ouverte, portes entrebaîllées des émotions baillonées

    Paupières recouvrant délicatement le globe oculaire, yeux ouverts au dedans

    Regard membrane plus ample que le costume de peau que je porte

     

    Désaffecter le regard

    Désinfecter les plaies des mémoires salies par des siècles de domination

    En redonnant au corps sa juste place

    Véhicule terrestre capable de prouesses pas encore découvertes

    Réceptacle de désirs de toutes sortes

    Lieu du soin et du carnage

    Grand organisateur du chaos

    Usine à transformer le pourri en puissante harmonie

     

    Nous, nous ne feignons rien

    Nous accompagnons les élans qui viennent de toutes parts

    Nous repeuplons de nos pas puérils les forêts de sens abîmés

    Nous rallumons l’incendie en emmêlant les lianes de nos jambes

    Jusqu’à l’étincelle

    La friction des chaînes de mains mêlées ne nous contraint pas

    Nous nous ensorcelons nous-même

    Nous croyons aux histoires qui se racontent dans les corps

    L’espace d’une mélopée qui s’étire jusqu’au délire

    Ou dans l’étourdissant silence qui succède à l’extase

    Nous déployons les liens tissés dans d’obscures granges et dans des MJC

    Sur des parquets montés en une journée en plein cagnard

    Ou dans les salons carrelés des particuliers

     

    Ce château fût notre domaine durant une semaine

    Nous y faisions résonner les rythmes d’anciennes ritournelles

    Pour les redorer du blason des airs actuels

    Nous dansons sur les ruines du vieux monde

    Nous dansons pour réveiller le magma en fusion des pierres arrachées aux montagnes majestueuses

    Nous dansons pour dépoussiérer la mémoire funeste des carrières

    Pour éteindre définitivement en nous l’aspiration des cendres capitalistes

    Nous ne capitulerons pas

    Nous ne céderons pas à la menace d’extinction de l’abondance

    Tant qu’il y aura de bonnes danses

     

    Nous travaillons ici à abolir les rangs de toutes sortes

    Par l’organisation spontanée de nos bras bustes pieds

    Nous travaillons en secret à l’avènement d’un métissage

    Qui à première vue pourrait paraître absurde

    Tant nous nous ressemblons

    Cœurs couleurs âmes frontières poreuses de l’invisible qui s’incarnent en un geste

     

    La tango argentin n’est-il pas la plus belle preuve de mixité?

    Sorti des bas-fonds d’un port abîmé par la conquête

    Descendants d’espagnols, d’esclaves africains,

    De galériens européens venus tenter leur chance ailleurs

    Repère de malfrats, de putes et de bandits

    Flamenco et tambour, argot italien et verlan de la langue dite de Molière,

    Accordéons wagnériens

    Attaques au couteau des faubourgs mal famés,

    Mouvement de hanches chaloupés des prostibules

    Tout un vocabulaire des bas quartiers aujourd’hui symbole d’une nation

    Aujourd’hui loué pour sa grâce et sa sensualité

    Au-delà de ce que l’œil voit au premier abord

    Ce que l’on aime ici c’est ce que la danse nous apporte de lien probable à l’autre

    Cette troisième voie

    Ce trouble indescriptible que les pédagogues modernes s’évertuent à formuler

    Pour mieux nous faire toucher l’indicible connexion

     

    Le shoot ultime

    Trois minutes de transe

    Une danse

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