2021
Oct 
6

le grand bazar

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  • Omnivox
  • — fabuleta @ 15:23  

    Est-ce que nos vies sont faites de toutes nos défaites, de toutes nos pierres tombées ?

    Et si elles n’étaient pas là, aurions nous de quoi marcher ?

    Si je n’avais construit aucun édifice avec tous les cailloux qui m’ont fait trébucher,

    Aurais-je un mirador pour voir l’horizon, aurais-je une maison où je peux m’abriter ?

    Je suis née du projet de mes parents.

    Un vieux rêve cloué dans un placard

    Qu’ils ont ressorti un soir pour me créer un corps en mélangeant les leurs.

    L’architecte du grand bazar avait laissé la clé mais aucun plan pour me réaliser.

    Me voilà graine sur pieds sans chemin, poussant sans pensées précises,

    La sève de mon sang sévissant dans chacune de mes branches généalogiques

    Sans savoir à quelle histoire je dois me fier.

    Et ben j’me suis planté !

    C ‘est long de passer au travers de toutes les transversales de l’existence. J’ai un peu ramé.

    Mon sol était si inondé d’amour qu’il en devenait instable.

    J’ai dû trouver du sable, pour me rendre plus aride.

    Mais toujours du dedans rejaillissait la mer avec ses larmes salées.

    J’ai dû prendre poussière, pour pouvoir m’assécher.

    A force j’étais devenue désert. J’avais perdu le tact, et le sel, et l’amer.

    J’avais perdu contact avec ma propre mer.

    Elle qui m’avait nourrie, elle d’où je suis sortie,

    Je lavais son limon pour mieux prendre racine.

    J’aurais creusé le monde pour devenir ciment.

    Parce-que ça ne suffit pas de naître, il faut aussi devenir.

    Et lorsqu’un être se nie, il ne devient pas, il part.

    Peu à peu il s’en va . Comme si des parties de lui s’éparpillaient,

    Devenant aussi friables que les bords d’une falaise.

    J’étais moi, devenue molle, j’étais devenue glaise.

    Je glissais entre les doigts lésés d’un modèle laissé là depuis des siècles,

    À moitié mal à l’aise de ne pas être moi,

    À demi-étonnée de demeurer murée dans cet état d’immobilité.

    Alors un jour je suis partie, pour voir l’âpreté des contrées et me rencontrer,

    Là où j’imaginais pouvoir ramasser un peu de mon terreau d’origine.

    Je n’y ai rien trouvé que d’autres hommes comme moi,

    Qui balbutiaient leur foi et trimballaient leurs drames.

    On dit que les étoiles sous lesquelles on est né,

    Boussolent notre trame et définissent la destinée.

    J’ai sondé les plus profondes des ondes célestes,

    Interrogé la sagesse des anciens de chine, d’inde et d’orient,

    J’ai absous mes péchés dans toutes les églises et toutes les mosquées,

    M’en suis remis à la chance, au hasard, au silence, aux délires de ma psyché,

    J’ai étudié les astres, la science, la magie, décrypté tous les mythes de mon anatomie

    Pour espérer trouver la clé du dessein de ma vie.

    Finalement, il n’y a que la poésie qui m’ait offert le permis de me bâtir.

    J’ai construis un bateau tout de briques d’erreurs et de blocs branlants.

    Quand je me braque tout se bloque alors je laisse couler.

    Comme la mer, je vais et je viens,

    Je suis rivière et m’immisce dans les coins,

    De par le monde je vagabonde,

    De bonds en vagues, d’écume en bulles

    J’emprunte les embruns pour me faire funambule,

    L’espace d’un jaillissement, le temps d’une cascade.

    Je peux être aussi douce et chaleureuse qu’un clapotis de lac,

    Ou puissante et violente comme les ressacs qui claquent sur les berges.

    En surface je suis lisse et calme, et claire.

    Mais si tu plonges en moi, tu verras comme je remue,

    Tu verras comme je suis sombre et déchaînée quand viennent mes heures de marée.

    Quand des torrents tordent mes voiles,

    Les marins ne s’aventurent guère.

    Mais sitôt que ma houle se lève,

    Mon matelot est invité à s’immerger dans mon mouvant.

    Suivant le mouvement de mes lèvres,

    Il me laisse l’emporter, je me laisse naviguer.

    Sur mes flots, son langage est courant, je me laisse chavirer.

    Son regard est un phare où je veux bien échouer.

    J’irai m’y amarrer s’il veut bien me marier.

    Chacun mettra sa pierre, le caillou dans sa botte qui le faisait boîter,

    Toutes les gemmes et les précieux je t’aime.

    De nos histoires en vrac naîtront des pyramides, des cathédrales et une maison

    Où un jour nous aussi, nous jetterons une clé dans le ventre du ciel.

    Il en naîtra une personne poussée à se trouver elle-même.

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