2020
May 
21

Gira internacional

Filed under: Journal Débordé — fabuleta @ 00:53  

Hier soir j’ai dansé
Collé ma sueur à la sueur des autres
Embrassé à pleins bras
Sauté en l’air de retrouver les rituels de joie
De la musique et des corps
Encore
Sentir le violon me rentrer dans les pieds
Le bandoneon me secouer le ventre et les guiboles
Froncer les sourcils et sourire au sortir d’un ocho cortado raté
Tourner tourner
Tourner et vivre vivre
Vivre à s’en étourdir les sens

Et puis j’ai pris mon vélo et je suis rentrée
Pleine d’allégresse et remplie d’une conscience nouvelle
Un regain de confiance planquée dans les baskets
J’ai traversé la ville et hésité sur l’itinéraire à emprunter
Direction la gare. Il y a peut-être de nouveaux tags à scruter
Et puis la piste cyclable est plus confortable

Pas de graffitis mais un homme qui dit:
Excusez-moi, je suis un peu gêné, vous avez un peu de monnaie?
Je ne fais jamais ça mais ça fait deux jours que je n’ai rien mangé
On m’a dit qu’il y avait des choses là-bas, je viens d’arriver
Tout est fermé.
Les bars et les restaurants ça on sait
Mais les gargottes remplies de mets durant le mois de Ramadan
Aussi
L’hôtel 3 étoiles qui aurait pu l’accueillir
A été muré dès que des tentes se sont installées sous le pont cet hiver

C’est pas facile de dire à un inconnu (surtout quand on est une femme)
Viens chez moi
C’est pas facile de demander à une inconnue (surtout quand on est un homme)
Aide moi
Je n’ai pas eu l’attitude de l’évêque Bienvenu
Mais je n’ai pas été une Thénardière non plus
J’ai préparé un repas
Il n’a rien touché
J’ai mis des draps sur un matelas
Il a dormi jusqu’à 5h de l’après-midi

J’ai attendu
De savoir ce que je pensais de tout ça
Je n’arrive pas à penser
J’ai eu du mal à m’endormir et me suis réveillée
Après quatre petites heures de sommeil léger
Je ne suis pas fatiguée pourtant

Ce qui est épuisant
C’est d’entendre tout à la fois le récit du désengagement et la responsabilité de l’occident capitaliste
Écrasant de haine et d’impunité crasse, sous les traits d’un destin fracassé

Ce qui m’éreinte
C’est de voir nos craintes prendre le dessus sur notre solidarité
Ce qui m’étreinte
C’est d’avoir su saisir cet instant de basculement
Où tout est finalement possible
Fermer la porte aux peurs
Et regarder la vie droit dans les yeux:
C’est pas très confortable mais y’a de la place pour deux

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