J53 – Bras Héros
Au début du confinement, quand j’allais me promener
Il faisait nuit vers sept heures et demie
À cet instant, j’attends le noir céleste
Je sais que l’obscurité sera de courte durée
Car le ciel au loin, rosit à peine
En ce moment la pleine lune me permet, même à minuit
De voir les crêtes des montagnes se dessiner à l’horizon
J’ai fait un feu en attendant la première étoile
Répète le chant des canuts, comme un mantra
Convoque les femmes médecine en moi
Des femmes à la peau aussi noire que la nuit
Je peux voir leurs muscles saillants
La blancheur de leurs yeux fixes qui attendent
Patiemment
Le signal du bon moment
Je suis sûre que les grandes choses ont un chronomètre plus précis que celui des contremaîtres
Parfois je me surprends à percevoir le temps comme une ligne faite de sauts de puces et de loopings
Il me semble que certaines minutes sont comme des portes
Elles se manifestent par une respiration profonde
Un bruit à l’extérieur qui nous fait sursauter ou remet nos oreilles aux aguets
Une sensation d’inconfort ou au contraire, de synchronicité
Une pulsion soudaine
Saisir cet instant, qui ne reviendra pas, ne reviendra jamais
C’est se fondre, se confondre dans la grande peau de l’univers
C’est tout petit, et à force de traîner mes grolles dans les couloirs du Monde
J’oublie parfois à quel point c’est intense, minusculte, gigantesque
Je laisse les portes ouvertes se refermer à force de rester dehors
Au dehors des minutes que cet être vagabond que j’habite, traverse
À force de regarder les courants d’air, j’omets de respirer
De m’inclure dans le paysage, de raviver mes femmes
Maintenant il fait nuit
L’étoile du berger s’est allumée
Et le feu s’est presque éteint à force de rêvasser
Je veux finir ma phrase avant de le souffler
Je patienterai encore avant de m’embraser
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