2020
May 
13

J46 – Clark Kent aux Jeux Olympiques

Filed under: Journal Débordé — lapeauaimante @ 18:58  

Encore se raconter des histoires

Réinventer nos héro-ïnes, nos légendes canoniques

Juste en fermant nos paupières

“Tu vois quoi sur l’écran du dedans?”

J’ai posé la question à Youssef, 7 ans.

Il m’a dit : Superman! cheveux en or, blanc, grand, fort,

La trentaine, des yeux lasers et en plus il vole

Il a un costume rouge et bleu, il sourit tout le temps

Génial. Clark Kent. Le mec idéal version patriarcale.

“Et toi quand t’auras 30 ans tu porteras quoi comme costume?

Le même? Avec le slip et les collants moulants?”

Il a rigolé: ah non…

Et c’est là que c’est devenu intéressant:

“Quand il sauve pas les gens, il habite en Tunisie

Il a une ferme souterraine avec un taureau, un lion

Et un chien à trois têtes. Il a les mêmes yeux qu’un aigle

Ça c’est bien! Et il a des abeilles aussi, parce-qu’il adore le miel.”

C’est fou ce que c’est long à nettoyer, l’imaginaire

On est peuplés de trucs qui ne nous servent à rien

Qui ont été placés là par d’autres, et parfois c’est si lointain

Qu’on doute qu’autre chose ait pu exister, ou existe encore, ailleurs

Et pourtant il reste des feuilles blanches dans le cahier

Mais comme des enfants pauvres de rêves

Nous continuons de raturer, de gommer et de réécrire par-dessus

Au lieu de simplement arracher la feuille, ou même, chiche: brûler le carnet

Parce-qu’on pourrait tout aussi bien écrire à même les trottoirs

Avec de la craie, voire carrément sur le ciel

Avec nos doigts mouillés de brume

Et alors l’air s’emplirait d’une fragrance nouvelle

Et l’atmosphère n’aurait plus la silhouette des enclumes

Va savoir…

Après avoir appelé Youssef, j’ai appelé Adisa

D’elle-même, elle a proposé de me lire un album

“L’amour à contre-courant”.

Une histoire de chômeur qui, en tapant la manche, tombe amoureux d’une belle dame qui s’ennuie

“C’est quoi comme mots : F…E…M…M…E? Y…E…U…X? N…O…S?”

C’est femme

C’est yeux

C’est nos

Et comme ça, lettre après lettre, on se construit des paradis

Et ainsi, mot après mot, on réinvente nos idées hautes, on les porte

Et c’est pourquoi, toi après moi, tu devras prendre le flambeau

Faire de la ville un parloir à ciel ouvert

Déverrouiller la parole

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