2020
May 
12

J28 – Le moulin de Mandy

Filed under: Journal Débordé — lapeauaimante @ 21:48  

Nettoyer les béalières du moulin de Mandy

Retirer les troncs, les branches, les feuilles mortes et la vase

Permettre à l’eau de circuler à nouveau

Rendre hommage au travail des hommes

Qui inventèrent la roue, les barrages, la levée

Les aqueducs et le battage du grain

Deux heures après notre premier passage

L’eau avait repris son cours et sa couleur normale

Il suffisait alors de retirer les cailloux

Qui empêchaient encore, et retenaient déjà

Les restes de l’automne.

Il a suffit de rien

D’un peu de folie et d’un zeste de courage

Pour se munir d’un bâton et remuer le fond

Les dépôts stagnants de l’histoire industrielle

Il a suffit de constater que l’eau débordait de son lit

Et que par conséquent sa force fuitait

Ça n’était pas vital, mais ça ne coûtait qu’un temps

Une poignée infinitésimale par rapport au vivant

Par rapport au regain d’énergie constaté dans les flots

Un sacrifice bénin en comparaison du plaisir

De voir surgir l’eau claire de l’autre côté du tuyau

Poussant les feuilles, bravant les obstacles de béton

Et coiffant au poteau les dénivelés,

Insaisissables pour nous, qui marchons sur nos deux pieds

Il fallait voir courir le courant libéré

Avalant les centimètres, ravinant les parois terreuses

Et noyant au passage les habitants des sous-sols

Le réservoir s’est à nouveau remplit,

Grossissant les remous de la rivière

Multipliant les apports de sa triple confluence

Est-ce que le bruit suffira à réveiller les meuniers que nous sommes?

Il y a une force dans le flux de l’eau

La même qui coule dans nos veines

Une force contenue, retenue

Étudiée pour faire tourner les moulins qui jadis nourrissaient le village

Chacun apportant le fruit de sa récolte, chaque famille repartant avec son butin: du pain!

Aujourd’hui à l’abandon

Notre vitesse de propagation, notre capacité au partage

Est devenue virtuelle.

À la nature nous avons préféré les éclairs sauvages

L’électricité, la 3, 4, 5G. Le progrès. L’immédiateté.

L’invisible qui dépasse les frontières

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Certains coupent les câbles,

D’autres écrivent sur les murs

D’autres encore, iront à la castagne

Moi j’écris de tout petits poèmes

En attendant la débâcle

Circule

Circule si t’es cap

Pourvu que nous soyons, chacun à notre échelle

Pourvoyeurs de libertés

Petites gouttes ou nettoyeurs

Chairs à bâtons, circulateurs

Pourvu que nous ayons la force de rentrer dans la brèche

D’inonder les espaces de notre espoir de règne

Pourvu qu’enfin cela se sache

Que le peuple est un flux plus puissant que l’élite

Que nous ne reculions plus

Que nous soyons solides, et nombreux à la tâche

Pour retirer les cailloux, un à un, à la pelle

Pourvu que nous soyons assez sages

Pour ne pas trop nous cogner dessus

Pour ramener les Bioman, les Castaner et Gargamel de notre côté, pas dessus

À nos côtés

Du côté des humbles

Humains

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