J57 – À la bonne vautre
Je trinque
Pendant que Tik Tok et Facebook paient des modérateurs pour faire taire les propos à leurs yeux trop hideux
Je trinque
La foule se prépare à faire des villes son défouloir et les riches se chargent de remplir leur compte car,
Moi je trinque
Avec un peu de vin coupé à l’eau de pluie
Pour que la fête que je fais dans ma tête
Ne me donne pas la gueule de bois
Si tout part en vrille, ou si au contraire rien ne va
Je veux bien me bercer d’illusion
Mais pas question de me retrouver dans le vomi des rêves consommés
Sans modération
Je trinque et me salis les doigts
D’aucuns préfèrent avoir le dernier Iphone ou le dernier Gucci
Mais moi je me réjouis de voir le noir me pousser sous les ongles
C’est ma petite richesse, ma marque de noblesse sans contrat sur papier
Je défendrai quiconque de vouloir acheter la poussière qui s’accumule dans mes plis
Ni même la boue qui sèche sur mes genoux
Plus de mille fois par le passé elle a été arrachée
Aux apaches, aux sans terre, aux paysans sur leurs tas de fumier
Pauvre rentier, lécheras-tu le sol ou mangeras tu tes billets?
Je trinque
Et renverse la moitié dans l’humide de la forêt
Ce soir je festoie
Aux refuges simplissimes
Aux luttes à venir et à toutes celles qui furent déjà menées
Aux ancêtres qui se battirent pour que j’ai droit au repos et aux congés payés
Aux actuels qui traînent leurs bottes rapiécées au fond des marécages ou au bord des fossés
Ce soir je bois
Pour la simple et mauvaise raison
Que je suis encore là
Par chance et aussi par lâcheté
Et je trinque à tout ça
À nos faiblesses et à nos hontes
À nos sans issues à nos tracas
À nos tentatives avortées
À nos immondices amoncelées
À nos hivers à nos fracas
À nos abandons à nos méchancetés
À nos déserts à nos envies émaciées
À la raideur des mains qui ne surent pas rattraper
À nos filets troués
À tous les mots en rouge soulignés dans la marge
À toutes nos paroles coupées, à nos lèvres mordues
À nos plaies rugissantes
À nos cauchemars pendus à nos douleurs béantes
À la gloire des erreurs aux échecs triomphants
À nos impatiences à nos peurs
À nos ivresses mensongères
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