2020
May 
13

J57 – À la bonne vautre

Filed under: Confinée dehors,Journal Débordé,Slamable — fabuleta @ 19:19  

 

Je trinque

Pendant que Tik Tok et Facebook paient des modérateurs pour faire taire les propos à leurs yeux trop hideux

Je trinque

La foule se prépare à faire des villes son défouloir et les riches se chargent de remplir leur compte car,

C’est bien connu, il n’y a jamais assez pour qui a de l’or dans la semelle de ses souliers

Moi je trinque

Avec un peu de vin coupé à l’eau de pluie

Pour que la fête que je fais dans ma tête

Ne me donne pas la gueule de bois

Si tout part en vrille, ou si au contraire rien ne va

Je veux bien me bercer d’illusion

Mais pas question de me retrouver dans le vomi des rêves consommés

Sans modération

Je trinque et me salis les doigts

D’aucuns préfèrent avoir le dernier Iphone ou le dernier Gucci

Mais moi je me réjouis de voir le noir me pousser sous les ongles

C’est ma petite richesse, ma marque de noblesse sans contrat sur papier

Je défendrai quiconque de vouloir acheter la poussière qui s’accumule dans mes plis

Ni même la boue qui sèche sur mes genoux

Plus de mille fois par le passé elle a été arrachée

Aux apaches, aux sans terre, aux paysans sur leurs tas de fumier

Pauvre rentier, lécheras-tu le sol ou mangeras tu tes billets?

Je trinque

Et renverse la moitié dans l’humide de la forêt

Ce soir je festoie

Aux refuges simplissimes

Aux luttes à venir et à toutes celles qui furent déjà menées

Aux ancêtres qui se battirent pour que j’ai droit au repos et aux congés payés

Aux actuels qui traînent leurs bottes rapiécées au fond des marécages ou au bord des fossés

Ce soir je bois

Pour la simple et mauvaise raison

Que je suis encore là

Par chance et aussi par lâcheté

Et je trinque à tout ça

À nos faiblesses et à nos hontes

À nos sans issues à nos tracas

À nos tentatives avortées

À nos immondices amoncelées

À nos hivers à nos fracas

À nos abandons à nos méchancetés

À nos déserts à nos envies émaciées

À la raideur des mains qui ne surent pas rattraper

À nos filets troués

À tous les mots en rouge soulignés dans la marge

À toutes nos paroles coupées, à nos lèvres mordues

À nos plaies rugissantes

À nos cauchemars pendus à nos douleurs béantes

À la gloire des erreurs aux échecs triomphants

À nos impatiences à nos peurs

À nos ivresses mensongères

À tous nos noirs dedans

No Comments

Sorry, the comment form is closed at this time.