2020
May 
13

J53 – Bras Héros

Filed under: Confinée dehors,Journal Débordé — fabuleta @ 19:15  

Au début du confinement, quand j’allais me promener

Il faisait nuit vers sept heures et demie

À cet instant, j’attends le noir céleste

Je sais que l’obscurité sera de courte durée

Car le ciel au loin, rosit à peine

En ce moment la pleine lune me permet, même à minuit

De voir les crêtes des montagnes se dessiner à l’horizon

J’ai fait un feu en attendant la première étoile

Répète le chant des canuts, comme un mantra

Convoque les femmes médecine en moi

Des femmes à la peau aussi noire que la nuit

Je peux voir leurs muscles saillants

La blancheur de leurs yeux fixes qui attendent

Patiemment

Le signal du bon moment

Je suis sûre que les grandes choses ont un chronomètre plus précis que celui des contremaîtres

Parfois je me surprends à percevoir le temps comme une ligne faite de sauts de puces et de loopings

Il me semble que certaines minutes sont comme des portes

Elles se manifestent par une respiration profonde

Un bruit à l’extérieur qui nous fait sursauter ou remet nos oreilles aux aguets

Une sensation d’inconfort ou au contraire, de synchronicité

Une pulsion soudaine

Saisir cet instant, qui ne reviendra pas, ne reviendra jamais

C’est se fondre, se confondre dans la grande peau de l’univers

C’est tout petit, et à force de traîner mes grolles dans les couloirs du Monde

J’oublie parfois à quel point c’est intense, minusculte, gigantesque

Je laisse les portes ouvertes se refermer à force de rester dehors

Au dehors des minutes que cet être vagabond que j’habite, traverse

À force de regarder les courants d’air, j’omets de respirer

De m’inclure dans le paysage, de raviver mes femmes

Maintenant il fait nuit

L’étoile du berger s’est allumée

Et le feu s’est presque éteint à force de rêvasser

Je veux finir ma phrase avant de le souffler

Je patienterai encore avant de m’embraser

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