2020
Sep 
22

Laisser courir les tigres

Filed under: Journal Débordé — Tags: — fabuleta @ 13:50  

Bouche ouverte
Mouches
Grillons
Cri de la fauvette: huit huit huit

Laisse moi
Je vais faire courir mes tigres
Ils ont besoin de s’ébattre
Si la plupart des gens jouaient, on aurait pas besoin de règles pré-écrites et rigides,
Et pareilles pour tout le monde. On jouerait et c’est tout.
Les règles s’écriraient toutes seules et on en changerait dès qu’elles ne vont plus.
Les vieux babouins s’accrochent aux règles de leur jeunesse
Comme si celles ci valaient pour toutes les générations.

Les mains qui s’approchent trop vite je les chasse
Même si elles connaissent le chemin pour aller jusqu’à ma poitrine,
Même si elles l’ont parcourue mille fois, les mains autres doivent rester aux aguets,
Autrement je les fais marcher au pas
Il y a des routes invisibles, des corps transparents qui vibrent autour de l’enveloppe charnelle.
Et ces portes-là sont encore plus sensibles.
Pour les percevoir, nos sens quotidiens sont trop grossiers.
C’est autre chose qui guide le regard et la paume.

Mes couches péri-épidermiques
Vibrent

Mes tigres courent
Je les laisse s’épuiser
Avant de les remettre en cage
C’est pas de gaieté de cœur que je les enferme
C’est qu’ils risquent de blesser les autres
Si je les laisse dehors
Et puis s’ils s’assoupissent en plein milieu de la place
Ça risque de faire du grabuge
Je les laisse se faire les griffes sur un arbre mort
Devenir cannibales
Se battre et ouvrir la gueule en grand
Mes tigres sont bien élevés
J’ai dompté le rythme de leurs carnages

Avant qu’ils prennent la fuite et se sauvent à jamais
Devenant la proie facile d’autres cirques exploitants
Je les ramène à moi
Avant qu’ils ne deviennent une cible trop docile
Je ménage pour eux une part de captivité
Pour rester maîtresse de leur instinct sauvage
Leur humeur fauve reste chaude dans mes bras humains
Je suis responsable de mes tigres
Jusqu’au jour où ils feront retraite
Je brûlerai leur peau en hommage à leur vie
J’élèverai alors des agneaux
Grandis dans la douceur féline de ma saine colère
Mon instinct animal, présent inestimable.

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